« Le jardin de l’aveugle » – Nadeem Aslam

Le jardin de l'aveugleNous sommes au Pakistan, quelques semaines après les attentats du 11 septembre. 
Deux jeunes Jeo et Mikal, décident de franchir la frontière pour aider les réfugiés, fuyant les frappes américaines. Ils affrontent finalement la violence, Jeo meurt, son épouse qui aimait en secret Mikal se retrouve seule. Elle ne peut rester veuve, elle doit impérativement se marier. 

Un roman parfois difficile à suivre, car non chronologique, un peu comme « la Vaine Attente », du même auteur. Comme dans « la Vaine Attente », l’un des personnages principaux Rohan est un viel homme handicapé, devenu aveugle. Père de Jeo,ayant recueilli Mikal, il aime son jardin, il ne peut plus dorénavant que le sentir, le toucher, s’y recueillir en pensant à son épouse décédée. Il avait fondé une école,  l’Esprit Ardent, que les fondamentalistes religieux lui ont pris, armes au poing, pour en faire un repaire de djihadistes.  

 Un roman écrit par Nadeem Aslam,  né  au Pakistan, réfugié en Angleterre après avoir fui avec sa famille le régime du général Muhammad Zia.
Un roman sur le Pakistan et l’Afghanistan d’aujourd’hui, dans lequel on vit la situation des femmes, des enfants, parfois violés, où l’on découvre les seigneurs de guerre, prenant des otages, les revendant aux plus offrants, mais aussi les tortures que font subir les américains aux suspects de djihadisme.
Un roman qui permet d’approcher le mode de pensée de ces fondamentalistes, leur interprétation du Coran, cette négation de la culture, cette recherche de la mort. Un roman ou ces deux camps, américains d’un côté, djihadistes de l’autre, s’affrontent avec cette même sauvagerie, cette même haine de l’autre : les américains sont heureux de vivre et se battent pour défendre la vie, les fanatiques musulmans se battent pour un monde meilleur, le leur, celui d’après la mort.

Un roman qui parfois fait froid dans le dos. Un roman dur et difficile, mais utile pour mieux connaître notre monde


Qui est Nadeem Aslam


Quelques extraits
  • « Le troisième parent, c’est l’histoire « (P.11).
  • « La logique à l’œuvre étant qu’il n’y a pas d’innocents dans un pays coupable » (P.12).
  • Mikal se met debout et se tourne face à la vitre, regardant dehors tandis que le train traverse une gare, les lumières des maisons éparpillées au loin, couleur d’ossements blanchis, la lune, unique note de musique lumineuse sur la portée des fils qui courent le long des voies, son reflet plissé par l’écoulement des eaux dans la tresse aplatie d’une rivière, et les engoulevents chassant très haut dans le firmament. » (P. 42)
  • Sous la terre, les racines la pleuraient sans l’avoir jamais vue, le teck blanc aussi, dont l’écorce se détachait en plaques de la taille d’une empreinte de pas, et le citronnier, qui produisait vingt cinq paniers de fruits chaque année. Tous, il en était certain, la pleuraient avec lui, les lézards vifs comme des éclairs ainsi que les libellules au bruissement sec, les abeilles charpentières aux ailes bleues, les processions noires des fourmis, les scarabées à la carapace dure et tous les escargots. Dans son chagrin il avait murmuré son nom en parcourant les sentiers de latérite qui serpentaient librement dans le jardin, et le mot avait circulé au milieu des luisances noires des corbeaux et des papillons qui dansaient dans la lumière du soleil — azurés de l’Himalaya, satyres du Chitral, tigres bleus et léopards communs, machaons et paons du jour. Elle les avaient aimés, ainsi que le monde qu’ils habitaient, disant : «Dieu n’est qu’un nom pour dire notre émerveillement» » (P. 51)
  • « Les hommes sont répartis entre deux catégories. La première comprend les gens de cœur. La seconde, les gens de la cupidité, des compromis, les hommes du désir et les escrocs » (P.91)
  • « Celui qui détient le pouvoir désire le garder. C’est valable pour les talibans et pour l’Occident. » (P. 93)
  • « Deux mille ans ont passé depuis que l’homme est devenu le frère de tous les autres hommes sur terre, et pourtant il reste encore à inventer les mots capables de soulager nos plus grands fardeaux.  » (P.198)
  • « Quand ils l’ont tué, ils ont tué en lui chacun des souvenirs qu’elle en a. Quatre vingt six balle. Une pour chaque souvenir : son sourire ; son froncement de sourcil quand il lisait ; sa main gauche parfois posée sur sa cuisse quand il conduisait ; les larmes qui avaient voilées son regard quand il avait raconté l’histoire de la vieille femme anonyme accrochée au genou de l’inspecteur de police ; sa façon de manger les mangues sans les éplucher : la superbe danse, toute de calme concentration, qu’il exécutait sur le « One o’Clock Jump » de Count Basie ; quand il se moquait de son père, en adoptant l’élocution embarrassée d’un ivrogne : « Il portait la barbe, mais il corrigeait gentiment ceux qui le prenaient à tort pour un religieux : « Ma barbe n’a rien de religieux, c’est une barbe révolutionnaire, inspirée de Castro, du Che et de Marx » » (P. 321)
  • « Le contraire de la guerre n’est pas la paix, mais la civilisation »

Une réflexion sur “« Le jardin de l’aveugle » – Nadeem Aslam

  1. Bonjour,
    Je découvre ces lieux suite à votre lien laissé sur le groupe Facebook Lire le monde… j’ai découvert Nadeem Aslam grâce à ce groupe, avec Le jardin de l’aveugle, que j’ai beaucoup aimé, même si c’est en effet une lecture parfois difficile en raison de la dureté des faits qui y sont évoqués.

    Je reviendrai par ici lire votre avis sur le Krasnahorkai mentionné dans les « prochaines chroniques » : il est sur ma pile à lire, et j’avais adoré Guerre et guerre, du même auteur.

    Bon dimanche.

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