
« En dehors des artistes, il n’y a guère que chez les prêtres qu’on ait assisté à une telle impunité. » (P. 194)
J’avais entendu parler de ce livre, qui malgré tout ne faisait pas partie de mes priorités de lecture. J’ai en effet, une certaine réticence à me promener sur les boulevards littéraires très fréquentés, je préfère le plus souvent possible les petites rues, au charme discret…même si pour aller d’une rue à l’autre, d’un livre à l’autre, je lis occasionnellement des livres dont tous parlent.
Alors, je me suis renseigné sur G.M. personnage principal du livre de Vanessa Springora… et notamment j’ai visionné l’émission « Apostrophes » qui m’était proposée par les moteurs de recherche.
Je ne l’avais pas regardée, à l’époque.
Et j’ai été effaré face au silence qui suivit cette diffusion, il y a trente ans…Effaré face au calme des autres participants, qui n’ont à aucun moment soutenu avec force et courage, Denise Bombardier menacée par G.M.
En effet, lui, le « collectionneur de minettes », comme Pivot l’avait présenté avec humour dans Apostrophes, avait menacé d’attaquer Denise Bombardier en justice, pour diffamation.
Un comble !
Elle avait eu l’audace de s’insurger contre ses propos, l’audace de s’élever contre lui et ses amours pour ces adolescentes, amours décrites dans les plus vils détails dans l’ouvrage pour lequel Pivot l’avait invité…ces ados découvraient les relations sexuelles avec G.M. et acceptaient de sa part les pires pratiques, qu’il leur imposait.
G.M. était alors un homme connu et reconnu par le gotha…elles étaient si heureuses d’être « aimées » par cet écrivain brillant….c’est tellement plus valorisant de découvrir l’amour et les relations sexuelles avec un homme illustre, même s’il impose des pratiques dégradantes, plutôt qu’avec Kevin de seconde B !
La lecture du livre de Vanessa Springora est à la fois utile et éprouvante.
Elle démonte la perversion dont peuvent faire preuve ces manipulateurs pour attirer et arriver à leur fin avec des gamines de 14 ans, pour assouvir leur faim de chair fraîche et tendre. Il leur est si facile de pervertir ces gamines pas encore adolescentes. Elles pensent à l’Amour avec un grand A, alors que lui ne pense qu’au tableau de chasse sur lequel il peut les épingler….elle, comme d’autres, a subi son emprise sans pouvoir s’en libérer.
Toutes étaient valorisées par l’amour que leur portait cet homme connu.
Ces manipulateurs existent, parce que les cerveaux de ces jeunes filles l’acceptent, voire en sont fières et flattées.
Le lecteur adulte n’apprendra rien, mais au contraire sera révolté par cette lecture, et de plus en plus lassé de ces turpitudes, de ces manipulations, écœuré par ces amours répétitifs d’après les cours.
Chacun imaginera selon son âge, sa fille ou sa petite fille admirative face à un tel pervers….ce qui rendra cette lecture encore plus éprouvante.
Certes, ce témoignage est important, mais, ce livre est-il destiné à des lectrices de 14-15 ans? Je ne suis pas certain qu’elles s’intéresseront à cette lecture à cette mise en garde.
Non, cette confession m’est apparue, un peu comme une volonté de la part de Vanessa Springora de se libérer d’un poids, de donner, d’une certaine façon, la parole à toutes celles qui comme elle, ont cru en lui et ont souffert de cet homme et ses turpitudes en silence…..à toutes ces gamines inconnues qui sont tombées un jour sous l’emprise d’un pervers.
Cette parole libérée ne serait-elle pas une forme de psychothérapie?
Renseignement pris, ce livre est devenu l’un des témoignages à charge contre GM, aujourd’hui privé d’aides de l’État, et également à la recherche d’un nouvel éditeur.
« ….si je voulais étancher une bonne fois pour toutes ma colère et me réapproprier ce chapitre de mon existence, écrire était sans doute le meilleur des remèdes. »
Éditeur : Bernard Grasset – 2020 – 205 pages
Lien vers la présentation de Vanessa Springora
Quelques lignes
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« Un patronyme russe, un physique de moine bouddhiste émacié, des yeux d’un bleu surnaturel, il n’en faut pas plus pour capter mon attention. » (P. 40)
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« C’’est que, dans les années soixante-dix, au nom de la libération des mœurs et de la révolution sexuelle, on se doit de défendre la libre jouissance de tousles corps. Empêcher la sexualité juvénile relève donc de l’oppression sociale et cloisonner la sexualité entre individus de même classe d’âge constituerait une forme de ségrégation. Lutter contre l’emprisonnement des désirs, contre toutes les répressions, tels sont les mots d’ordre de cette période, sans que personne y voie à redire, sinon les culs-bénits et quelques tribunaux réactionnaires. » (P. 64)
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« Qu’est-ce que tu entends dans le mot « genoux », hein ? Si tu dé-com-poses le mot « genoux » ? Il y a je et il y a nous, et ton problème, c’est bien un problème de « rhumatismes articulaires », donc… tu serais d’accord avec moi pour dire que tu as un problème d’« articulation » entre le « je » et le « nous », n’est-ce pas. » (P. 71)
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« Pourquoi une adolescente de quatorze ans ne pourrait-elle aimer un monsieur de trente-six ans son aîné ? Cent fois, j’avais retourné cette question dans mon esprit. Sans voir qu’elle était mal posée, dès le départ. Ce n’est pas mon attirance à moi qu’il fallait interroger, mais la sienne. » (P. 129
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« La vulnérabilité, c’est précisément cet infime interstice par lequel des profils psychologiques tels que celui de G. peuvent s’immiscer. C’est l’élément qui rend la notion de consentement si tangente. Très souvent, dans les cas d’abus sexuel ou d’abus de faiblesse, on retrouve un même déni de réalité : le refus de se considérer comme une victime. Et, en effet, comment admettre qu’on a été abusé, quand on ne peut nier avoir été consentant ? » (P. 163)
Je fais partie de ceux qui lisent lorsque le livre sort. Je suis mon intuition pour chercher les lectures qui me conviennent. Ce livre est évidemment une manière pour Vanessa Springora de montrer ce qu’est une emprise et comment l’entourage suit la loi du silence. Je pense que sa thérapie a du avoir lieu depuis longtemps pour exprimer ainsi sans trop d’affects les faits. Mais, nous sommes obligés de nous interroger sur la notion de consentement et d’âge qu’a introduit la nouvelle loi .13 ans. L’écrivaine avait 14/15 ans et on ne peut pas dire qu’elle était consentente…😏