« Les sept couleurs du vent » – Bernard Tirtiaux

– Et pour qui joues-tu de la musique? Les sirènes ?

– Pour enrichir le vent et apaiser les tempêtes.

– Et à quoi ça sert d’enrichir le vent?

-Et à quoi ça sert d’alourdir sa bourse ? »

Visentin le Pacifique est l’un de ces compagnons du tour de France qui vont de chantier en chantier, d’église en église, de ville en ville pour construire ces chapelles, ces cathédrales, et autres monuments de bois et de pierre qui ont su résister au temps… Il a reçu son nom de ses compagnons.

Sinon ses parents, qu’il a peu connus, l’avaient nommé Sylvain …..Sylvain Chantournelle!

Chaque jour, sur les toits, il risque sa vie. Le bois est son matériau de prédilection. Il en fait des clochers hardis, des halles de marchés, mais est également en mesure de réaliser des bateaux…

Et il a une autre passion, depuis sa plus tendre enfance, il a appris au contact des anciens l’art de la tenderie, l’art de réaliser des pièges pour capturer des oiseaux de passage, en utilisant pour cela les branches et roseaux que la nature offre à profusion….notamment des appeaux, ces roseaux avec lesquels il attire les oiseaux en imitant le cri de leurs femelles amoureuses.

Sa vie est une vie de voyages loin de sa Moselle natale…une vie qui lui permet de s’enrichir des contacts humains des autres compagnons ayant d’autres savoir-faire et qui construisent, à ses côtés ces chefs d’œuvre. Aucun n’est jaloux de son savoir-faire..non, la règle entre eux est l’échange, le partage…

C’est ainsi qu’ils grandissent…en amitié, et apprennent en compétence et en métier.

Visentin, a conçu, seul, un « nymphaïon »….sorte d’orgue portatif apprécié de tous les musiciens qu’il croise…il en joue dans les maisons où lui et ses amis compagnons sont hébergés, et en marchant, allant d’une ville à l’autre, d’un défi à l’autre.

Un rêve le tourmente….un rêve qui allie toutes ses passions, celle du bois et de la complexité des charpentes, sa passion de la musique …il rêve de réaliser de grandes orgues alimentées par le vent, et pourquoi pas un bateau-orgue…

Un rêve un peu fou, qui le promène de ville en ville, qui le nourrit en compétences nouvelles, lui permet toujours de nouvelles rencontres humaines, lui fait courir des risques…

Mais après tout n’est-ce pas Vivre avec un grand V que de chercher à toujours s’améliorer, à s’interroger, à découvrir, à créer, à rencontrer d’autres passionnés afin de s’enrichir de ces rencontres…

C’est toute la philosophie de ces compagnons, qui ont accueilli l’auteur Bernard Tritiaux en leur sein! ….

N’est-ce pas parce qu’ils ont eu les rêves les plus fous, les plus insensés pour le commun des mortels qu’ils ont pu bâtir depuis des siècles des cathédrales aux charpentes uniques, et bâtissent encore des chefs-d’œuvre….allant du plus peut bijou, à la plus grande charpente, du plus petit projet au plus hardi.Cette philosophie, cette recherche de l’unique et de la perfection, du toujours mieux, cette folie sous-tendent toutes les pages du roman.

Et si, chacun de nous en faisait une philosophie de vie ?

« -Et à quoi ça sert d’alourdir sa bourse ? »…préfère nous demander l’auteur…une question de tous les temps !


Lien vers la présentation de Bernard Tirtiaux


Quelques lignes

  • « Rien que pour les grives, il y avait six instruments différents, selon qu’elles nidifiaient, qu’elles étaient en période d’amour, qu’elles pressentaient un danger, qu’il s’agissait du mâle ou de la femelle, du jour ou de la nuit, de la pleine lune ou de la nouvelle. Disposés sur de grands anneaux de cuivre comme les clés des geôliers, des dizaines d’appeaux faits d’un fragment d’os, d’une branche de noisetier ou de sureau, d’un noyau de pêche, et pour certains même de terre cuite, de cuivre ou d’étain ravissaient les prunelles de Sylvain et titillaient ses oreilles. » (P. 21)
  • « Son cheminement d’homme a amené le luthier marrane à penser qu’il n’y a pas entre les êtres de note parfaite, d’idéale inflexion, d’accord harmonisé des souffles, qu’il faut prendre les joies qui passent de la même façon qu’il faut prendre les joies qui passent de la même façon qu’il faut accepter les misères qui surviennent. » (P. 78)
  • « À chaque tuyère qu’il touche, un son jaillit. Sauvages, les notes s’échappent, entrecroisent leurs chemins, explorent des espaces vides, s’insinuent dans les ravins où se terre l’écho, envahissent des vaisseaux de cathédrales  à la recherche de la voix qui manque à leur chant, un timbre de femme. LA belle porte le rêve et l’attente d’un charpentier au cœur pur. Elle offre ses doigts d’élégance aux claviers des orgues d’une ville du Nord ou du Sud. Ses bras sont nus; tout comme ses pieds souples, qui dansent sur un pédalier de bois. Elle chaloupe. Le vent des notes délivre ses cheveux, s’infiltre sous le voile qui la couvre. Il la caresse, fait frissonner son ventre, ses seins, ses épaules. Elle est brune,. Elle est blonde. Elle est noire. Elle a les yeux bleus et marron et verts. Elle est la destinée. » (P. 115-6)
  • « Savourant avec ses proches cette période de bonheur simple où les joies se montrent plus fortes que les peines, l’artisan enroule quantité de copeaux d’or sur les gouges. Avec ses outils tranchants, il raconte au bois, sans contrarier le fil, sa belle histoire d’amour. » (P. 169)
  • « Les orgues marines dont Sylvain a affublé la pinasse sont une curiosité. elles devront combiner la force du vent et celle de l’eau pour remplir d’air le réservoir de l’instrument. Le système imaginé par le compagnon est le suivant : deux roues à aube fixées sur les flancs du navire mettent en branle les soufflets qui fournissent le vent des tuyères. Pour faire tourner ces roues, il faut, bien sûr, que le voilier soit poussé par une bonne brise.. » (P. 275) 

Une réflexion sur “« Les sept couleurs du vent » – Bernard Tirtiaux

Laisser un commentaire