Sialimar – Emad Jarar

Cher Messieurs Emad Jarar, ou Sayed Elyas Mohajer !

Permettez-moi de vous confondre tous deux, votre passé et votre cadre professionnel sont si semblables…espérons que vos projets de vie ne le sont pas…mais il faut arriver au terme du livre pour se poser cette question…

Mais il faut s’accrocher! Tant pis pour ceux qui abandonneront

Vous m’avez transmis un exemplaire de votre titre « Sialimar », que Babelio m’a proposé de lire dans le cadre d’une opération Masse critique « privilégié »…une opération qui permet à quelques lecteurs de découvrir un livre et/ou un auteur…Un petit texte de votre part accompagnait cet envoi.

Merci pour cette confiance.

J’avais apprécié et commenté vos deux autres ouvrages « Une nuit à Aden » lus également dans le cadre de Masse critique. Je vous avais fait part de petites incohérences dues au fait que vous mettiez dans la bouche d’un gamin de 4 ans, des propos qu’un adulte féru de philosophie auraient pu tenir…

Quelques autres incohérences mineures, celles-là sont à regretter dans « Sialimar »

Qu’importe! Le plaisir avait été alors au rendez-vous…et j’attendais ce même plaisir avec Sialimar…Attente en partie déçue, pardon pour cette remarque brutale et sans ambiguïté.

Mais j’ai trop retrouvé dans cette lecture de Sialimar, l’impression de relire, notamment dans cette première partie traitant de la compatibilité de l’Islam avec notre cadre de vie, avec notre système politique occidental, avec notre démocratie, des thèmes, des propos évoqués dans ces deux ouvrages…bis repetita. .

En acceptant de participer à Masse critique, je prends, c’est un trait de mon caractère, un engagement moral de lire le livre que Babelio me propose, et de passer outre mes envies éventuelles de tout lâcher…envies qui m’ont tenaillé, mais j’ai tenu ferme…

Et je suis enfin arrivé à bout de cet ouvrage, sans éprouver toutefois le plaisir ressenti lors de la lecture des deux tomes de « Une nuit à Aden ».

Sans doute parce que j’ai eu l’impression de relire ce que vous aviez déjà écrit, de ne pas découvrir…Ah ! ce plaisir de découverte du lecteur!

Enfin, vous savez vous même pourquoi, vous qui vous connaissez bien, écrivez de vous, en page 307 «Fort conditionnées par mon goût pour les pirouettes de la pensée et le langage verbeux….» ce langage verbeux que maniez trop « ne colle pas » avec les personnages, avec leur pensée, leur projets de vie…ou de mort…avec les idées et thèmes que vous souhaitez exposer!

Qu’avons nous à faire de ces phrases travaillées à l’extrême….« Ainsi, pour s’isoler, elle s’allonge de nouveau sur le canapé, dans un frémissement, elle retourne son corps svelte et délicat, fait de sensualité et de ravissement, où se sent la souplesse d’une liane; telle une merveilleuse créature indocile qui rabat sur elle sa magnifique crinière ambrée, enfouit son visage dans le blanc du tissu pour mieux penser à la falaise de son enfance, à cette cabane aux souvenirs enfouis, pour enfermer ses sentiments intimes qui étaient revenus d’un coup à la surface, pour les avoir de nouveau pour elle, toute seule ».

Il y en a tant d’autres, en désaccord complet avec les personnalités ou projets de vie et de mort des personnages… tant d’autres, qui donnent envie, d’autres l’ont fait, de tout lâcher et de passer à autre chose.

En étant concis et moins verbeux, vous n’en auriez été que plus percutant! Plus plaisant !

Bref, le sujet diablement risqué et prometteur, qui « pose la question des risques des revendications identitaires pour une société multiculturelle », je reprend une des phrases d’accroche de votre mot glissé dans l’ouvrage transmis, a été trop dilué dans ces longues phrases et également dans certains propos que ne renieraient pas une blonde et un chroniqueur télé se proposant de diriger notre pays…il y a tant de ressemblances entre ces deux cadres de vie…le nôtre et Sialimar !

Alors quel message avez-vous tenté de nous transmettre ? Souhaitons que ce projet évoqué ne reste qu’une uchronie, qu’une réflexion d’auteur, un projet qui aurait mérité plus de poids…un projet culturellement intéressant.

Dommage que ce développement se noie dans un gloubi-goulba verbeux mêlant Coran, Islam, démocratie, judéité, religion, violence, amour, fric, j’en passe et soit, selon les pages, indigeste ou plaisant…pardon pour ma franchise.

Alors qu’en reste-t-il? Une impression parfois de déjà lu, des questions, des peurs quant à l’avenir de notre cadre de vie, de notre société…des interrogations qui feront, n’en doutant pas, partie de celles autour desquelles batailleront, ils ont déjà commencé, tous ceux et celles qui brigueront nos suffrages dans quelques mois…

Ce « Et si? » est troublant, culturellement et sociologiquement dérangeant…si l’on pousse cette question à l’extrême !

Merci quand même.

Éditeur : Iggy Books – 2021 – 388 pages


Lien vers la présentation de Emad Jarar


Quelques lignes

  • « On ne compte plus dans le Coran les exhortations à tuer ou maudire les Juifs. » (P. 69)
  • « Je me dis à moi-même : religion de paix et de tolérance ? En l’état de ces quelques 150 versets qui prêchent la guerre, justifient la violence, voire le meurtre… » (P. 72)
  • « Le problème avec le Coran […] c’est que tout se confond : meurtre et Charité, crime et paix, vengeance et miséricorde, bien et mal, c’est tout pareil. » (P. 72)
  • « Au sujet de ma foi : de musulman de naissance j’étais devenu athée, ou plutôt libre penseur comme je me plaisais à répéter avec snobisme; mais un athée modéré, disons, à mi-chemin entre l’ignorant qui croit en tout et le cynique qui ne croit en rien. Et je l’étais moins par conviction que pour faciliter mon bonheur ou la réussite de mon mariage. » (P. 102)
  • « Face à face, deux mondes irréconciliables qu’un gouffre sépare sont disposés par accident de l’histoire à en découdre une fois pour toute, sinon à s’étriper; Chacun y voyant un enjeu de civilisation. » (P. 146)
  • « Il y a quelques semaines, j’en étais encore à compter mes succès et mes millions, à l’abri d’une vie dorée de banquier d’affaires, me délectant du confort d’une famille unie et heureuse, quand je me retrouve plongé dans cette atmosphère de guerre civile. » (P. 303)
  • « Le droit international définit une minorité nationale comme un groupement de citoyens liés entre eux par des affinités religieuses, linguistiques, ethniques, politiques, englobés dans une population plus importante d’un État, et de langue, d’ethnie, ou de religion différentes. » (P. 378)
 
 

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