
« Elle broya les os d’un jeune rat dans un mortier, pendant que sa mère crevait les verrues d’un crapaud afin d’en récupérer le venin. » (P. 155)
Marie-Marguerite Monvoisin, est en prison, sur ordre du roi. Elle attend son exécution. Comment ? Elle est la fille de La Voisin, qui a été brulée vive pour sorcellerie..d’autres l’ont précédée ou vont la suivre sur ce bûcher..bûcher ou gibet, mains ou têtes coupées…un bourreau et surtout des rois qui avaient pas mal d’imagination ! Horreur !
Cette époque est celle de Louis XIV,..une époque qui nous barbait pas mal quand on était gamin. C’était si loin de nos préoccupations, il fallait retenir des noms de batailles, de ministres, des dates… bref, les programmes ne savaient pas nous intéresser à cette grande Histoire, sans doute parce qu’on nous parlait peu voire pas du tout de la petite Histoire.
D’un autre côté qu’avions nous à faire des vies des maîtresses ou des rois peu évoquées? Non, on nous parlait de batailles, de ministres, de poule au pot, mais ça c’était avant…..
Mais l’Affaire des Poisons, a sans doute été mentionnée, mais sans plus s’y apesantir. En tout cas elle avait peu retenu mon attention, je ne m’en souviens plus. Ce n’est que plus tard que j’en ai entendu parler, sans plus , juste évoquée.
Marie-Marguerite Montvoisin évoque sa mère, une diablesse, sorcière même, qui a été brûlée vive, je ne dévoile rien, ce sont les premières pages…Les juges – à moins que ce soit sur ordre du roi – savaient faire preuve d’inventivité ou plutôt de sadisme dans l’art d’exécuter les condamnés.
La Voisin était une spécialiste de la cuisine des poisons, des phyltres de toutes sortes. Elle « cuisinait » bien sûr, les plantes toxiques – mais aussi et c’est le plus horrible de l’histoire, de l’Histoire – des foetus, des enfants morts-nés, l’urine, et j’en passe, mais aussi des enfants qui avaient eu le malheur de tomber entre les mains de ses sbires qu’elle rémunérait pour faire fonctionner ses marmites…oh ! pas un ou deux… Marie-Marguerite Monvoisin lors de ses interrogatoires et Isabelle Duquesnoy mentionnent le chiffre de 2500 gamins qui ont été tués, des gamins dont certains organes on été cusinés, mélangés à des rats, à des placentas, assaisonnés à l’urine, à des sécretions de pustules de crapauds, d’arsenic et j’en passe, au gré des délires ou expériences de Madame Mère. Leurs restes ont été enterrés dans le jardin, certains os ont été brûlés avant d’être eux aussi mis en terre…
Quand vous vous promenerez dans le Marais, pensez à ces restes sous vous pieds.
Bref, c’est horrible, et bigrement dérangeant. On reste, effaré devant tant de c…rie humaine, tant de cruautés, tant de superstitions…Belle information sur cette période et ses moeurs qui vaut bien des heures de nos cours de gamins.
En tout cas, ces recettes donnaient des résultats…certes les gamins ou les vierges en mouraient, mais aussi des adultes, visés par La Voisin, passée maîtresse dans l’art de faire mourir quelqu’un. Tous les poisons ne s’avalaient pas ! Certains étaient bien utiles pour se débarrasser d’un mari ou d’une épouse infidèle, il suffisait qu’il enfile ses gants, ses chaussures ou ses habits…pour qu’elle devienne veuve en quelques jours. Mais La Voisin concevait également des médecines pour soigner….Tout était consigné par écrit
Ne parlons pas de la bétise, de la c….de l’Eglise qui excommuniait des animaux ou les pendait !
Délires d’Isabelle Duquesnoy ? Non, elle s’est fondée pour l’écriture de ce titre sur les textes de l’époque , des textes, dont elle nous fait une sorte de synthèse à la fois jubilatoire et horrible, en nous épargnant les textes d’origine …….Un grand merci : elle mentionne dans les premières lignes du livre « Lire un texte du XVIIe dans sa version originale donne l’impression d’avoir essuyé ses lunettes avec une tranche de jambon »
Allez va, payez vous une bonne tranche d’horreur, de scandales, de superstitions, de culture et de bonheur…et de sourires aussi – en ce qui me concerne – face à ces manipulations. L’histoire ne nous dit pas cependant où sont passés ses grimoires de recettes ?
Michel Audiard nous le rappelera bien plus tard avec humour « Les conneries c’est comme les impôts, on finit toujours par les payer.» La Voisin a payé cher ……et d’autres avec elle.
Merci à Babelio et à Masse Critique pour cette lecture
Éditeur : Robert Laffont – 2023 – 371 pages
Lien vers la présentation d’Isabelle Duquesnoy
Quelques lignes
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« Un homme sans argent est comme un loup sans dents » (P. 61)
- « La Voisin ne connaissait plus guère de répit, sollicitée jour et nuit par des patients dont la servilité se faisait de plus en plus exigeante. » (P. 94)
- « La lanterne de peur est une mécanique fabuleuse, qu’on appelle aussi «cassette des illusions». J’ai bien étudie le principe : des figurines dessinées sur des plaques de verre sont projetées au mur par le jeu d’une lentille, ressemblant un peu à une loupe et d’une lumière. L’effet produit est magique ! On voit des sujets s’aniler comme une apparition céleste; alors qu’il s’agit d’un grossissement de croquis et de peinture…..J’ai même songé que cela te permettrait de faire croire à tes clientes que des fantômes se montrent dans ta chambre de consultation. » (P. 150)
- « Entre empoisonneuses on se tracassait. » (P. 151)
- « Elle broya les os d’un jeune rat dans un mortier, pendant que sa mère crevait les verrues d’un crapaud afin d’en récupérer le venin. » (P. 155)
- « Le mélange de distillat de placenta, d’hosties et d’arsenic remportait un immense succès. » (P. 179)
- « Les animaux sont capables de sournoiseries, tout comme les enfants. D’ailleurs, je vais rejoindre l’abbé Guibourg ce soir, pour la pendaison d’un loup qui a mangé une brebis: l’animal doit faire amende honorable devant un crucifix, avant qu’on ne lui passe la corde au cou. » (P. 224)
- « De l’hygiène, se réduisant à une lessive deux fois par an, ainsi que le trempage de ses pieds lorsqu’ils empesteront le dortoir. » (P. 232)
- « ….naître fille est une malchance, mais chez les gueux, c’est une malédiction. » (P. 235)
- « Je note toujours les noms de la noblesse et des personnes possédant des biens ou de l’influence. Parce qu’ils peuvent me servir un jour. » (P. 239)